ÉPILOGUE

LE ROI…

Le roi Louis XIV et Anne d’Autriche firent entrée solennelle en la ville de Paris le 21 octobre 1652.

Ce fut au tour des Frondeurs de raser les murs…

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LES MAUVAIS…

Le 23 octobre, Gaston d’Orléans, d’ordre de son royal neveu, quitta Paris à tout jamais pour mourir quelques années plus tard, en son château de Blois, oublié de tous. Ou presque.

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Le duc de Beaufort fit assez plate soumission au roi et, peut-être encore fasciné par Nissac, obtint le commandement d’une flotte royale.

En gros progrès, il battit deux fois les Barbaresques mais fut tué en 1669 au siège de Candie.

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Le « Grand Condé » passa aux Espagnols, remporta quelques victoires aux dépens de ses compatriotes mais, commandant l’armée espagnole, il fut battu par Turenne entre Dunkerque et Nieuport lors de la décisive « bataille des dunes ».

Pardonné en 1668, il succéda à Turenne au commandement des armées et, pour le roi de France, renoua avec le succès.

Il vieillit entouré de poètes et d’écrivains, tels Boileau et Racine et sans doute avait-il beaucoup changé car homme qui aime la littérature peut-il être tout à fait mauvais ?

Bossuet prononça son oraison funèbre.

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Le masque d’argent, pièce magnifique, fut volé par un des faussaires aux ordres de Galand le jour même du suicide de celui-ci.

Ses trois propriétaires successifs ayant trouvé mort affreuse en les trois années qui suivirent, le masque d’argent fut fondu en deux lingots qui furent achetés par un joaillier anglais qui ne connaissait point leur réputation d’attirer le mauvais sort.

Ils n’arrivèrent jamais en Angleterre, le vaisseau qui les transportait ayant fait naufrage au large des Cornouailles et des îles Scilly par temps clair et mer calme.

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Le marquis Jehan d’Almaric, retiré à Londres où il vivait fastueusement, fut assassiné de cinquante-trois coups d’épée par quatre hommes venus de France, et que l’on ne captura point, mais qui, d’après le témoignage du passeur, semblaient militaires en civil.

Cet assassinat eut lieu un an jour pour jour après la mort de Jérôme de Galand, et les cinquante-trois coups d’épée correspondaient à l’âge du chef de la police royale le jour de son suicide.

À quelques jours de là, quatre des plus fidèles archers de feu le baron de Galand eurent punition légère pour absence injustifiée en un lieu qu’ils refusèrent toujours de nommer.

HISTOIRE MODERNE…

Durant tout son long règne, le roi fit régulièrement fleurir de lys les tombes des Foulards Rouges.

Puis les rois qui suivirent oublièrent cet usage mais des mains inconnues continuèrent à fleurir les tombes jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Au siècle suivant, le XXe, qui ne brilla guère par le bon goût mais fut des plus remarquables par sa prétention, l’Église fut détruite, le vieil if coupé et les très anciennes tombes aux noms indéchiffrables furent rasées, dispersant quelques os, par engins fort étranges qui semblaient se mouvoir comme des chenilles.

Sur son emplacement, aujourd’hui, en une taverne toute de verre qui n’a plus le charme et l’intimité de celles des temps jadis, on mange spécialité de pains ronds qui collent aux dents, avec ce qui ressemble vaguement à viande hachée menu, sauce insipide, tranche de fromage sans goût, lamelles de cornichon d’une grande fadeur et feuille de salade dont n’eurent point voulu les lapins pourtant terriblement affamés du Paris de la Fronde…

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ENTRE LES DEUX

Le cardinal Mazarin fut rappelé d’exil cinq jours seulement après que le roi fut entré en la ville de Paris.

Il s’attendait au pire.

La foule lui fit un triomphe.

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RACHAT

Charlotte de La Ferté-Sheffair, duchesse de Luègue, prit le voile chez les sœurs de Port-Royal de Paris et se retira du monde quelques mois plus tard.

Elle légua tous ses biens à Port-Royal.

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LES BONS

Monsieur le maréchal de Turenne, qui n’avait failli qu’une fois mais par amour, ce qui n’est point mince excuse, continua de servir le roi avec brio.

Il fut tué au combat, près de Sasbach, en 1675…

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*   *

Le duc de Salluste de Castelvalognes, général des jésuites, poursuivit ses recherches pendant trente-sept années, jusqu’à sa mort le 14 juillet 1689.

Ses multiples archives disparurent, mais sans doute pas pour tout le monde, car on trouva traces de ses idées, en des cercles secrets, pendant un siècle, jour pour jour.

Au bout de cette période, en 1789, il ne fut plus nécessaire d’exprimer telles pensées en petits comités : elles étaient l’essence même du pouvoir révolutionnaire qui changea la face du monde en proclamant les Droits de l’Homme.

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*   *

Au roi, qui lui proposait commandement dans l’armée, le baron de Florenty répondit avec modestie mais fermeté qu’il préférait de la bonne terre.

On lui en donna, et beaucoup, en champs de blé et belles prairies. L’équivalent de la moitié de la ville de Paris.

En outre, sa femme finit par l’aimer tout de bon, et même plus que de raison.

*

*   *

Le baron Maximilien de Fervac devint colonel du régiment des Gardes Françaises où il avait servi comme simple sergent, puis fut nommé lieutenant-général et combattit aux côtés du maréchal de Turenne.

Il acheta grand château et sa femme, la toujours belle Manon, lui donna cinq enfants.

Il fut tué au combat, vingt ans plus tard, en 1672, au dramatique passage du Rhin, en même temps que Charles-Paris d’Orléans-Longueville, comte de Saint-Paul, le jeune fils de la ravissante madame de Longueville et du duc de La Rochefoucauld, un des plus célèbres et élégants couples de la Fronde.

Le hasard est chose bien singulière…

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*   *

Loup de Pomonne, comte de Nissac et maréchal de France, épousa la baronne Mathilde de Santheuil l’année même où fut écrasée la Fronde.

Le mariage fut célébré en la plus stricte intimité par le duc de Salluste de Castelvalognes. On n’y vit que deux anciens des Foulards Rouges ainsi que leurs épouses, mais aussi Louis XIV, Anne d’Autriche et Mazarin.

Le comte ne repartit point aux armées, ne pouvant se séparer de Mathilde ne fût-ce qu’une nuit.

On ne les vit jamais à la Cour mais plus d’une fois, cependant, le roi de France et le cardinal Mazarin firent large détour pour s’en aller visiter en son vieux château de la Manche l’ancien chef des Foulards Rouges.

Le comte et la comtesse de Nissac étonnèrent fort les populations de Saint-Vaast-La-Hougue et Barfleur, qui ne les en aimaient pas moins, tant ils se montraient généreux avec les plus déshérités.

Mais il n’était point courant de voir couple de si haut lignage chevaucher pendant des heures à la limite du rivage, suivi de près par le chien « Mousquet », puis par les descendants de celui-ci.

Pareillement, on s’étonnait que le maréchal de Nissac et madame croisent le fer jusqu’au soleil couchant avant de s’étreindre en situation de grande passion.

Après trente-cinq années de bonheur, madame de Nissac tomba malade et sut qu’elle allait mourir. Le comte et maréchal de France la chargea alors sur une barque et rama plus loin que la ligne d’horizon, la tête de sa bien-aimée tendrement posée contre son épaule, comme en cette nuit fabuleuse de leur jeunesse où, en barque, ils pénétrèrent à Notre-Dame.

On ne les revit jamais mais légende court en le pays selon laquelle les Nissac, tous morts en mer, y auraient royaume secret.

Ils eurent deux fils beaux et vaillants, qui eux-mêmes furent pères d’autres fils, et ainsi de suite pareillement.

Mais, chose fort curieuse, que ce soit sous le règne de Louis XV, celui de Louis XVI, la Révolution, l’Empire et les temps qui suivirent, il sembla que, pourvu que l’on fût comte de Nissac, l’aventure, immédiatement, vînt à vous, toujours plus passionnante.

Il faudra bien vous les conter toutes un jour prochain…

Paris, Saint-Vaast-La-Hougue, Paris.

mars 2000



[1] À cette époque, le dauphin était déclaré majeur et sacré roi à l’âge de treize ans.

[2] Impliqué en 1643 dans « la cabale des Importants », qui visait à liquider Mazarin, le duc de Beaufort fut enfermé à Vincennes d’où il s’évada dès le début des événements.

[3] C’est sur ce que j’entends que je juge.

[4] Deux mètres.

[5] Trente-trois centimètres.

[6] Jeunes gens employés par les notaires, procureurs et avocats. De tradition, ils étaient turbulents, aimant le désordre et l’émeute.

[7] Environ quarante kilos.

[8] Planchette de bois

[9] Le jeu de crosse est l’ancêtre du hockey.

[10] Équivalent du Préfet de police

[11] Mendiants professionnels.

[12] Soldats invalides qui mendient.

[13] Auteurs de vol avec violence.

[14] Une heure de l’après-midi.

[15] Trente-trois centimètres.

[16] Ancêtre du golf.

[17] Parade militaire.

[18] Jour de colère que ce jour-là

Qui réduira en cendre le monde.

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